Orphée et disparition en 16mm
sur l'expo L'éternel retour d'Antone Israël à Maac.
Sur le seuil entre réel et illusion, la pellicule tourne autour de l'idée de disparition. Un projecteur qui multiple en tentant de « décerner aux murs » (de manière métaphorique) mais ce qui est montré n’est pas ce qui sera perçu dans l’expérience du spectateur en mouvement.
Dans cette chronique je vais convoquer le déroulement du film comme un enchainement d'apparitions-disparitions qui convoque donc l'imaginaire dans son mécanisme même.
Des retrouvailles de l'archive (collection Goldwasser) l'histoire des gens anonymes, couleurs floues, found-footages, pièces coupées de 16mm, tous cela figurent les morceaux d'un puzzle dont l'image finale tel une argentique, s'effac e à mesure qu'elle se révèle.
Est-ce que les films de 16mm disparaissent?
On doit rattraper la vitesse de la lumière, avant qu'elle ne s'effondre.
Je parle de la disparation au sein du visuel, comme contrechamp pour fournir une image claire des idées plutôt dispersées. Aujourd'hui la pellicule reste l'un des medium qui est le moins amené à disparaitre? Le film est, reste, sera toujours le support le plus solide et le plus durable pour la conservation des images; il est tangible, on peut le toucher. Cette disparition plutôt métaphorique incarne aussi dans les images projetées qui disparaissent 24 fois par seconde..
« Un photographe est quelqu'un qui écrit avec la lumière, dessine le monde avec des lumières et des ombres. […] comment aurais-je pu me douter que j'allais découvrir bien plus qu'un photographe »
(d’après Wim Wenders)
Antone établit un rapport avec l’écriture même. En proposant une chorégraphie de dimension variable, plateau tournant disposé sur trois projectures, également dans l'obscurité d'escalier en déconstruction/reconstruction du lien fameux qui dévoile le jeu négative- projecteur - écran.
Paraît que Antone fait tourner ce jeu de marionnette et les images dansent dans l'espace négatif dans les chambres de la Maac.
On est obligé de bouger, regarder dans tous les sens, frotter les cils, pas que être assise tranquillement sur un fauteuil souple dans une salle en face de l'écran.
Ce questionnement de passivité mettant en tension entre visibilité et invisibilité. Une narrativité non linéaire en fonction mnémonique de la mer qui le contient, pourrait être l'espace pelliculaire qui sépare vision et cécité.
Maurice Blanchot disait que "L'écriture commence avec le regard d'Orphée"
Même la vue expérimentée touche à l'identité de la personne et la possibilité de regarder autrement, mais avec l'oubli. D’ailleurs les installations expriment cette idée à travers le regard d'Orphée, littéraire en vision de l'espace limité entre nos yeux qui lisent les images suspendues en air.
La fascination se crée par ses installations loop 16mm et c'est Eurydice qui échappe constamment à notre regard; Ce moment, déclencheur qu'on assume ce qu'on voit est un moment de paroxysme parfait.
Un état réflectif de la pensée: « Un homme, armé de ses lunettes de soleil en regardant le paysage, le paysage regarde en arrière et il voit lui-même."
Il paraît que le projectionniste inspiré par une série de bobines avec divers aspects, qui fonctionne au même point de vue du temps et l'occasion de réfléchir sur la nature de la pellicule.
La lumière projetée avec un effet mince dépeint des couleurs qui semblent provenir du passé et nous renvoient une réflexion différente, d'un jeu optique.
Comment nous sommes affectés par cette réflexion mnémonique et attentionnelles, dans le sens d’être attentif.
Ce genre d'interprétations de projectionnistes continuent de nous interpeller vers la lentille interne de la machine et au-delà.
En pensant le monde de la danse, il existe des techniques qui tentent d’éclaircir notre vision dans l’obscurité, dont l'obscurité de notre conscience. "Le mouvement authentique" - C'est à dire travailler avec le sens (failli limités), les yeux fermés, avec ou sans musique. (Mary Starks Whitehouse a fondée ce mouvement dans les années 1950 comme «movement in depth»)
Ces éléments sont apparemment invisibles, mais quand on regarde l'œil extérieur vers l'œil intérieur, nous présentons les choses à découvrir de nouveau la façon dont nous regardons, sans jugement ni critique.
La tension dont je parle est entre l'obscurité et la source de la vérité qui n'est pas entre l'espace l'illumination. Nous attirons nos regards vers une forme donnée de substance à l'objet aujourd'hui - le projecteur - qui pose face à face l'avenir, l'inconnu.
L'exposition traverse les ténèbres de notre esprit en mouvement constant et sensible.
Une autre possibilité consiste à pratiquer la perspective périphérique de test de lumière pour briser les quatre murs.
Le travail d'Antone montre temporairement un état mental-émotionnel qui va se plonger dans le caché, de la lumière à l'obscurité, de se réveiller à rêver, d'une manière qui peut diviser d'exploration en profondeur de la surface à plusieurs dimensions.
En ce sens, il semblait que le fonctionnement du visiteur entre le passé, le présent et l'avenir est comme une invitation à danser entre les silhouettes de regard d'Orphée.